Matta-Rouch

Nouvel album Pirenèus (octobre 2013)

« Robert Matta et Pierre Rouch reviennent ! Sur CD, bien sûr… car on leur connaît de multiples activités qui les empêcheraient bien de s’enfuir ici ou là ! Une agréable présentation, un livret élégamment conçu par notre ami Alem Alquier : c’est bon signe, les deux compères musiciens ont soigné le flacon, l’ivresse risque d’être au rendez-vous… Un titre peut-être pas aussi vaste que la Méditerranée de Francis Lopez, mais qui semblerait s’en approcher, style musical à part bien sûr, avec ce Pirenèus… seule indication textuelle sur la couverture, avec bien sûr les noms de nos deux vedettes.

En attendant l’ivresse, on se questionne : ce nouvel album sera-t-il encore une brillante démonstration d’instruments rares, servis par des dosages étranges et inhabituels ? Puis on pose le CD sur la platine, on feuillette le livret et tout commence à s’éclaircir. Robert et Pierre se sont munis de leur canne de randonnée et effectuent divers zigzags en allant rendre visite à leurs amis : ils en ont beaucoup, un peu partout, bons musiciens de surcroît ! Même si on n’entend pas les bouchons péter et le vin couler, il émane de ce disque une ambiance chaleureuse, conviviale, et exigeante sur le plan musical. À chaque détour de ces plages pyrénéennes, un nouveau terroir, de nouveaux styles musicaux, de nouveaux timbres, de nouveaux coéquipiers. Le duo Matta-Rouch est d’ailleurs presque un trio ici : un troisième larron est venu se joindre presque à chaque plage, le percussionniste Jonas Gimeno, qui semble piocher dans un monumental attirail digne d’un brocanteur pour en extraire tel ou tel nouveau tambour, adapté au contexte comme il se doit. Convivialité ne signifie pas bonne franquette : l’ivresse que Pirenèus procure risque de ressembler à celle d’un grand cru. Chaque morceau, marqué par un terroir, ses instruments, son climat, fait l’objet d’un important travail de studio, au service d’un arrangement soigné. Nous sommes loin du premier CD de nos deux bufaires qui cherchaient avant tout à mettre en valeur les timbres isolés et magnifiés des instruments qu’ils fabriquent : ils sont ici mêlés à la basse et à l’accordéon, qui partagent avec la guitare ou le mandoloncelle le support harmonique qui transforme notoirement le son Matta-Rouch du premier album pour proposer une musique probablement attractive à un plus grand nombre, mais qui ne sombre pas pour autant dans la variété ou la facilité. On découvre toutes sortes de timbres inédits, même si leurs divers noms étaient déjà plus ou moins connus : pour le Pays Basque, voici l’alboka, le txanbela, la xirula et le txistu ; pour l’Aragon, la gaita de boto et la trompa ; pour le Béarn et la Bigorre, la samponha chère à Jacques Baudoin, la flûte à une main et le tambour à cordes et le clarin ; pour le val d’Aran, le bot ; pour le Couserans, l’aboès ; et enfin pour les régions catalanes le grall, le flaviol ou le bot de gemecs… pour ne citer que ceux-là, car ce n’est pas tout à fait tout !
 

Les sons, d’ailleurs, peuvent se mélanger d’un pays à l’autre, et même d’une époque à l’autre avec la visite inopinée de la cornemuse de Puivert, instrument médiéval reconstitué d’après une sculpture de son château. Bien sûr, c’est loin d’être pédagogique : il est parfois difficile de se faire une idée claire et précise de tel ou tel instrument, plutôt traité comme composante d’un tout sonore. Les amis instrumentistes cèdent également la place aux chanteurs : on les entend en duo ou en solo dans une dizaine des vingt et une pièces qui composent l’album. On retrouve avec plaisir Rosina de Pèira dans Les dos Filhets del Rei, la jota de Pilar Montorio fleure bon l’Aragon, les polyphonistes du Centre Pyrénées offrent leurs voix puissantes et chaleureuses… On l’a deviné : ce n’est pas de l’unité stylistique que l’on trouvera ici, mais un album photo des plus beaux coins où l’on aime se rendre entre les deux mers, en compagnie des amis dont on goûte la chaleur et les qualités musicales. C’est presque toujours réussi, parfois d’une « authenticité » aux racines un peu trop acides (telle cette chanson du Val d’Aran et sa chanteuse au timbre et à la justesse… disons… intéressants), parfois réservant la surprise de voir déboucher tous les copains d’une joyeuse fanfare, cédant à un autre moment la parole à un conteur du Comminges… mais ne dévoilons pas tous les secrets. Pirenèus est un recueil de paysages, de senteurs et de couleurs, et avant tout une très une belle réussite qui conforte l’idée qu’on avait de ces deux fameux musiciens, tant comme instrumentistes que comme éléments fédérateurs. Matta et Rouch, loin d’être dépassés par la disparité des sons, des terroirs et des personnes, tiennent fermement les rênes et marquent le tout de leur empreinte, discrète et respectueuse de ceux qu’ils visitent. »

Jean-Christophe Maillard
Pastel, décembre 2013

Écouter des extraits de l’album :

 
 

Premier album Hautbois & Cornemuses (2009)

 

« Belle entreprise, et pas si évidente qu’il y paraît : un luthier est-il le mieux placé pour défendre ses instruments ? C’est le propos de Robert MATTA et Pierre ROUCH qui, hautbois et cornemuse(s) en mains, nous entraînent dans un programme gasco-languedocien à la réalisation très soignée. Tout est là, les timbres, la justesse, la mise en place, les phrasés, c’est de la belle ouvrage. Mon interrogation initiale est liée au syndrome du luthier-musicien : à trop être attentif au rendu sonore de ses instruments (en bref à son travail de facture), il lui est parfois difficile de se concentrer simultanément sur la musique. Ici nos deux compères n’en souffrent pas, et ce CD est à la fois un joli moment de musique, acoustique, dansante, posée, et parfois un brin contemplative, et aussi une superbe carte de visite pour convaincre les futurs joueurs de boha, de clari, ou d’aboès de faire affaire avec ces luthiers-là.
J’ai bien conscience que le commun de mes contemporains n’est guère capable d’écouter des duos de cornemuses ou de hautbois plus d’un tour de danse, mais je les encourage pourtant à s’immerger dans ce flot d’anches timbrées, accompagnées de percussions bien venues. Pour mon goût, j’aurais aimé un peu plus de voix (mais rassurez-vous, il y en a !), et quelques détails supplémentaires sur les instruments employés, mais cela supposerait un livret, et ces choses-là ont un coût. Mais, ma foi, autant commencer par écouter, apprécier ; si l’on veut en savoir plus, il y a plein de bons livres… et d’ateliers de luthiers ! »
TRAD MAG

« Lorsqu’un musicien enregistre un CD, parallèlement à son désir d’expression personnelle, il doit forcément démontrer ses capacités de musicien. Lorsque, de plus, il est facteur et qu’il joue sur ses propres instruments, il se doit de démontrer également la qualité de ceux-ci, en particulier s’il est professionnel. Et lorsque deux facteurs pros se mettent en duo pour enregistrer, le défi est encore doublé. Et il est parfaitement relevé ici, d’un bout à l’autre, sur ce CD entièrement fait à la main comme se plait à le souligner Robert Matta, de la facture des instruments à la distribution, en passant naturellement par les arrangements, le jeu, l’enregistrement etc. Mais, bien entendu, tout cela en qualité professionnelle (seul le prix de vente ne l’est pas.), avec un accord des instruments irréprochable qui témoigne non seulement d’une facture et de réglages d’anches irréprochables, mais également d’une belle écoute mutuelle des deux souffleurs. Avec également une belle qualité d’enregistrement et de mixage plaçant un peu en arrière le troisième larron : le percussioniste Pierre Blanchu, discret mais efficace sur ses percussions d’origine orientales ou maghrébines mais qui ne dénotent en rien dans l’ambiance sonore entre Gascogne et Languedoc.
Le répertoire est essentiellement traditionnel (et deux compositions de Robert et une de Pierre), de ces régions exclusivement, avec, naturellement, des mélodies déjà connues mais qui ne laissent jamais une impression de copier-coller de versions enregistrées antérieurement. Il faut dire que les arrangements du duo sont très bien conçus, sans complexité excessive. Je regrette juste que la belle pochette ne détaille pas davantage les sources des traditionnels interprétés (pas de livret). Bien entendu ce CD de luthier a un petit côté catalogue d’instruments et permet d’entendre divers hautbois (clari, hautbois du Couserans, graïle des Monts de Lacaune), et cornemuses (bohas et leurs variantes récentes, bodega, sac de gemecs, gaita de boto et la samponha (ré ?)inventée par J. Baudouin et dont Robert assure désormais la facture. Malgré ce déballage un peu hétéroclite quoique géographiquement délimité, l’album possède une couleur propre et le duo fait alterner anches simples et doubles sans que l’auditeur ne ressente de brusque changement de timbre. A l’ écoute d’un tel enregistrement, on mesure le chemin parcouru en trente ans en matière de facture instrumentale, mais également de précision dans le jeu, et si certains n’apprécient que les accords qui frottent un peu, il est bon d’entendre que ces instruments à anches sont capables de jouer parfaitement juste et en duo sans le moindre frottement, voire sans même un battement. » 
J.-L. Matte, Infosmumuses, mai 2009

« Voici un album que l’on attendait avec grande impatience tant les prestations scéniques du duo de ces luthiers bien connus, nous avaient mises en appétit. Cette longue gestation débouche sur un enregistrement remarquable de sobriété et de pureté. Leur voyage musical explore notre Grand-Sud pyrénéen à travers ses plus envoûtantes mélodies. Il se diversifie par quelques compositions personnelles ou solos insolites mis en valeur par des instruments de leur cru parfaitement réglés. Le tout est épicé par les saveurs des percussions orientales de Pierre Blanchut. Une belle graphie réalisée par Alem Alquier complète un livret bien conçu détaillant un large instrumentarium pour chaque pièce musicale. On retrouvera la rigueur du luthier dans des prises de sons et mixages irréprochables qui soulignent avec bonheur les timbres des hautbois et des cornemuses.
On l’aura compris, au delà de tout superlatif cet album fait parti de ces CD indispensables que l’on trouvera dans la discothèque de tout passionnés d’anches traditionnelles, mais aussi de l’amateur de belle musique. »
Jean-Pascal Leriche, président des Bohaires de Gasconha